Chapitre 6

Publié le par Jimmy

Un nouveau chapitre de mon roman en cours.
Bien évidemment, inutile de le préciser mais je le fais quand même, tout commentaire est le bienvenu.
Bonne lecture.

 

"La fenêtre à laquelle il s’était appuyé pour regarder Lucie se faire la belle le matin-même était restée ouverte. Le bruissement de la rue s’en déversait en flot irrégulier : fragments de conversations captées ça et là, vrombissement de moteur, mobylette qui pétaradait, adolescents qui faisaient éclater leur joie tout juste descendus du bus.
Et une musique. Un air joué au piano que diffusait la chaîne-hifi d’un voisin sans doute. Une chanson qui passait sur les ondes mais qui était aussi relayée par la toile. Personne n’y échappait et Phil ne faisait pas exception ; d’autant qu’il appréciait la chanson et son interprète à part égale.
Nevermind I’ll find someone like you.
La voix rocailleuse d’Adele, son timbre si particulier, bluesy donnait un charme supplémentaire à la chanteuse. Quant à son physique. Autant dire qu’elle lui fouettait les sangs.
L’altercation avec Marc lui assura un nouvel élan créatif. Il ouvrit la fenêtre de texte et laissa son esprit vagabonder dans la pièce, emporté par la musique.
 
Grace se tenait debout tout à côté de la bibliothèque, le dernier tiers de sa cigarette qui pendait sur sa lèvre inférieure. Elle tenait un livre. Un pavé poussiéreux qu’elle jaugea un bref instant et qui retrouva sa place sur l’étagère. Sur la tranche une gigantesque baleine blanche se lovait autour du nom de l’auteur. Herman Melville.
Elle se rapprochait lentement de lui, ondulant des hanches dans sa robe en mousseline couleur de lait, sa longue chevelure sombre et bouclée qui lui descendait jusque sous sa poitrine. Et Phil prit conscience que la musique venait de changer. Adele avait cédé sa place à Moby qui marmonnait Natural Blues, son tube phare.
Oh lordy, trouble so hard,
Oh lordy, trouble so hard,
Don’t nobody know my trouble but God
Don’t nobody know my trouble but God.
Grace ouvrit les bras et ses hanches de toujours chalouper avec délicatesse, d’une manière incroyablement sensuelle qui rendait Phil totalement dingue. Et lui n’arrêtait plus de taper. Encore et encore. De plus en plus rapidement. Ses doigts survolaient les touches. Les pages se succédèrent. Prit dans sa transe féconde, il ne vit pas le jour décroître et se retrouva alors dans l’obscurité, éclairé simplement par le halot fantôme de l’écran.
L’appartement respirait la quiétude.
La jeune femme dansa jusqu’à lui, jeta son mégot dans la tasse de Marc, saisit son visage de ses mains glacées et déposa un baiser sur ses lèvres. Un baiser tendre et remplit de promesse. Puis le contact sucré et humide de la bouche de sa belle se changea en une sensation désagréable, comme si la peau s’était recouverte de caoutchouc ; son haleine ne sentait plus la fumée de cigarette mais se rapprochait de ce que l’on respirait sur une plage en bord de mer : un parfum d’iode mélangé à une forte odeur de poisson. Lorsque Phil rouvrit les yeux, Grace avait disparut et en lieu et place de la demoiselle se trouvait une monstrueuse baleine dont l’énorme queue dépassait par la fenêtre.
Effrayé par la taille de la bête – tout en autant que le teint de porcelaine qu’elle arborait fièrement –, il tenta de se lever de son siège mais tomba aussitôt à la renverse. La baleine l’observait à travers les minces fentes situées de part et d’autre de sa tête. Toujours à terre, Phil contemplait la chose jouer avec une mèche de sa chevelure rousse du bout de sa nageoire.
« Quoi ? lui demanda-t-elle, frétillant de la queue. Tu n’as jamais vu une femme nue dans ton salon ? », ajouta-t-elle s’exprimant au ralenti.
 
Lorsqu’il retrouva ses esprits, à l’extérieur la nuit était tombée. Pas de trace de Grace ni du monstre qui, il y a peu, encombrait son appartement. Il regarda l’écran et lut la dernière phrase qu’il venait d’écrire : Lorsque je rouvris les yeux, Grace avait disparut et en lieu et place de la demoiselle se trouvait une monstrueuse baleine dont l’énorme queue dépassait par la fenêtre.
Où avait-il pu pêcher une idée pareille ? Une baleine ? Pourquoi une baleine ? Même si l’évocation du monstre marin passait encore, c’était surtout cette chevelure qui lui semblait déplacée.
Rousse. Pourquoi rousse ? Grace était brune.
Il enregistra son texte et ferma la fenêtre. Deux tasses de café plus tard, Phil était étendu sur son sofa, une manette entre les mains et son personnage qui, dans son téléviseur écran plat, sprintait dans une immense forêt plongée dans le noir, une lampe torche pour seul moyen de défense. Il avait déjà terminé ce jeux-vidéo, Alan Wake, mais ça lui plaisait de le recommencer de zéro pour se plonger à nouveau dans l’aventure ; cela venait sans doute du fait que pour la première fois, un écrivain était le héros. Et puis sa mésaventure avec Lucie l’avait totalement refroidi : il n’avait pas envie de passer sa soirée – quand il ne s’éternisait pas jusqu’au petit matin – à attendre qu’une pauvre célibataire daigne lui envoyer un petit quelque chose sur le chat.
La télévision. La console. L’ordinateur portable. Autant de machines silencieuses et froides, dépourvues de la moindre émotion mais qui imprégnaient le salon d’une atmosphère chaude et étouffante. Et qui à la longue finissait par donner très soif.
Pause.
Plus de café dans les placards. « J’vais devoir aller en racheter demain », pensa-t-il tandis qu’il dénichait une bouteille de soda dans le frigidaire. De retour sur le sofa, la bouteille n’était pas encore ouverte, que l’écran de l’ordinateur s’éclaircit brusquement.
La page de markNet s’afficha et l’onglet de discussion s’ouvrit.
Gr@ce Hanatomee se balade dans votre rayon, annonça une voix robotisée dans le casque.
Phil gagna à nouveau l’ordinateur et s’y installait par la force des choses. Il chaussa son casque et choisit d’écouter quelques morceaux de sa playlist préférée, espérant qu’elle fasse le premier pas puisque c’est elle qui s’était fait connaître avant lui. Il avait donc un certain avantage.
Puis quelque chose apparut à l’écran :
<21 :15 Gr@ce vous salue>
Et tout commença ainsi, le plus normalement du monde."

Publié dans Roman

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J
Salut :) Ecoute avec un pseudo comme le tien, je ne peux m'empêchais de jubiler et de donner encore plus de crédit à ton commentaire.<br /> Pour te répondre, la suite s'écrit petit à petit. Je pense la poster d'ici peu.<br /> A bientôt j'espère.
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F
Hé salut ! Je viens de tomber sur ton blog au détour de google+. Je trouve que tu écris plutôt bien. Et ton style est intéressant. J'ai hâte de lire la suite. :)
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